Enfants à HPI et anxiété : ce que nous apprend la recherche

Enfants à haut potentiel intellectuel et anxiété : ce que nous apprend la recherche

Kermarrec S. de, Guignard L., et al. (2020). Anxiety disorders in children with high intellectual potential. British Journal of Psychiatry Open, 6(5), e99.

1POURQUOI s’intéresser à l’anxiété chez les enfants à HPI ?

Depuis plusieurs années, les témoignages de parents et d’enseignants convergent : certains enfants à haut potentiel intellectuel présentent des signes d’hypervigilance émotionnelle, d’anxiété, voire de troubles anxieux avérés. Les études scientifiques, en revanche, n’aboutissaient pas toujours aux mêmes conclusions. Certaines recherches indiquent un lien fort entre haut QI et anxiété, d’autres non.

L’étude “Anxiety disorders in children with high intellectual potential” apporte de nouvelles réponses, car elle utilise :

  • Une grande taille d’échantillon (plus de 600 enfants testés).
  • Des définitions claires du haut potentiel (QI ≥ 130 sur l’échelle de Wechsler).
  • Trois sources d’évaluation : diagnostic psychiatrique, auto-évaluation de l’enfant, évaluation par les parents.
  • Une analyse fine des indices de QI (verbal, perceptuel) et pas seulement du score total.

2 – Les résultats clés de l’étude

  • Plus de troubles anxieux diagnostiqués chez les enfants HPI que chez les enfants tout-venant, selon les évaluations cliniques des professionnels.
  • Auto-perception plus anxieuse chez les enfants ayant un indice de compréhension verbale (ICV) ≥ 130.
  • Moins d’anxiété chez les enfants ayant un indice de raisonnement perceptuel (IRP) ≥ 130.
  • Pas de différence significative dans l’évaluation parentale de l’anxiété (les parents ne perçoivent pas toujours les signes).

3 – Comprendre les mécanismes possibles

Ces résultats mettent en évidence un phénomène connu des cliniciens : tous les enfants HPI ne sont pas anxieux, mais certaines caractéristiques cognitives semblent corrélées à une plus grande vulnérabilité ou au contraire à une protection.

  1. VCI élevé (Indice de compréhension verbale ICV) :
    • Ces enfants ont un vocabulaire riche, une grande capacité à analyser et anticiper verbalement des situations complexes.
    • Mais cette capacité peut nourrir la rumination, l’anticipation négative, le questionnement existentiel précoce.
    • Exemple : un enfant verbalement précoce peut envisager tous les “scénarios catastrophes” possibles avant un événement banal (sortie scolaire, présentation orale).
  2. PRI élevé (Indice de raisonnement perceptif IRP) :
    • Les enfants forts en raisonnement visuo-spatial abordent les problèmes de manière concrète et proactive.
    • Leur mode de pensée, moins centré sur le verbal, semble les protéger partiellement de l’anxiété anticipatoire.

4 – Pourquoi les parents ne détectent-ils pas toujours l’anxiété ?

Dans l’étude, l’observation parentale ne révélait pas de corrélation claire entre haut potentiel et anxiété. Plusieurs hypothèses :

  • L’anxiété se manifeste parfois principalement dans le monde intérieur de l’enfant (ruminations silencieuses, inquiétudes avant de s’endormir).
  • Les enfants HPI peuvent masquer leurs émotions pour ne pas inquiéter les adultes ou pour se conformer aux attentes.
  • Les manifestations anxieuses peuvent être interprétées autrement (perfectionnisme, timidité, évitement perçu comme du désintérêt).

5 – Implications pratiques pour les parents et éducateurs

Selon l’étude et l’expérience clinique, plusieurs points sont essentiels :

  1. Utiliser plusieurs regards
    • L’anxiété d’un enfant HPI peut ne pas être visible à la maison mais l’être à l’école ou lors d’évaluations cliniques (voir mon article sur l’anxiété scolaire de 2023).
    • Écouter aussi la parole de l’enfant et pas seulement les observations des adultes.
  2. Prendre en compte le profil cognitif
    • Un haut ICV peut nécessiter un accompagnement spécifique sur la gestion des pensées et des anticipations.
    • Un haut IRP pourrait amener à soutenir davantage l’expression verbale des émotions.
  3. Différencier anxiété adaptative et pathologique
    • Une certaine anxiété est normale et utile à la performance.
    • Elle devient problématique si elle perturbe le sommeil, l’alimentation, la socialisation ou la scolarité.

6 – Comment accompagner un enfant HPI anxieux ?

  • Développer des compétences de régulation émotionnelle (pleine conscience, respiration, relaxation musculaire).
  • Encourager la verbalisation des émotions avec des outils visuels (échelles d’émotions, cartes).
  • Favoriser les activités corporelles qui ancrent dans le présent (sport, danse, arts martiaux).
  • Limiter la surexposition aux informations anxiogènes (actualités, conversations d’adultes non filtrées).
  • Collaborer avec les enseignants pour ajuster le niveau de stimulation et prévenir le perfectionnisme exacerbé.

7 – Limites et perspectives de recherche

Les auteurs soulignent la nécessité de :

  • Mieux comprendre les mécanismes neuropsychologiques reliant profil cognitif et anxiété.
  • Explorer le rôle d’autres variables (sensibilité émotionnelle, mode d’éducation, climat scolaire).
  • Suivre les enfants sur le long terme pour voir si les profils anxieux évoluent avec l’âge.

Ainsi – Cette étude confirme ce que beaucoup de professionnels observent : le HPI n’est pas en soi un trouble, mais il peut s’accompagner d’une anxiété plus fréquente – en particulier quand la précocité est verbale.
Pour aider ces enfants à s’épanouir, il est essentiel de croiser les observations, de comprendre leur profil spécifique, et de mettre en place des stratégies adaptées.

C’est en partie ce que je constate aussi dans ma population. Les #HPI avec un haut niveau verbal s’expriment plus que les autres ce qui les met aussi plus en relief et attire les réactions des autres. Ceux sont les scores de performance sont plus élevés s’expriment moins mais agissent plus, notamment dans des activités pragmatiques qui suscitent moins les retombées négatives.

Les professionnels du soin, de l’éducation et du bien-être sont conviés à parcourir ce lien : https://hpi.cool pour envisager une plus grande compréhension et une posture plus ajustée aux profils HPI.

 

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