Usage excessif du smartphone sur le cerveau : ce que disent les études (+ focus HPI)

Usage excessif du smartphone sur le cerveau : ce que disent les études (et pourquoi certains profils HPI s’y épuisent plus vite)

Vous avez peut-être déjà vu passer cette idée : l’usage excessif du smartphone sur le cerveau ne serait pas neutre, et pourrait même s’associer à des changements observables en imagerie. Entre inquiétude (“ça abîme le cerveau”) et banalisation (“tout le monde fait ça”), il est facile de se perdre.

L’objectif de cet article est simple : clarifier ce que la recherche suggère réellement, ce qu’elle ne permet pas encore d’affirmer, et donner des repères concrets pour les parents, les adolescents et les adultes — avec un focus particulier sur les profils HPI, souvent plus sensibles à la surcharge et aux stratégies d’évitement “intelligentes” mais coûteuses.


“Remodeler le cerveau” : de quoi parle-t-on exactement ?

Le cerveau change tout au long de la vie : c’est la plasticité cérébrale. Apprendre une langue, pratiquer un instrument, dormir mieux, faire du sport… tout cela s’accompagne aussi de modifications (structurelles ou fonctionnelles).

Quand on parle de smartphone, deux points sont essentiels :

  • Les études décrivent surtout des associations, pas des certitudes causales. Autrement dit : on observe des différences entre des groupes “fort usage” et “usage plus modéré”, mais cela ne prouve pas que le smartphone est la cause unique de ces différences.

  • “Usage excessif” n’est pas un diagnostic officiel universel. Les chercheurs utilisent souvent des termes comme problematic smartphone use (usage problématique), mesuré par questionnaires : perte de contrôle, craving, impact sur le sommeil, l’attention, les relations, etc.


Usage excessif du smartphone sur le cerveau : que mesure exactement l’IRM ?

Les travaux les plus cités s’appuient sur deux grandes familles d’outils :

1) Imagerie “structurelle” (volume, matière grise)

Une méta-analyse (qui combine plusieurs études) rapporte que les personnes avec usage excessif présentent en moyenne un volume cérébral plus faible, notamment dans certaines régions sous-corticales, avec un effet plus marqué chez les adolescents. Cela reste une moyenne statistique : on ne peut pas l’appliquer à une personne donnée.

2) Imagerie “fonctionnelle” (connectivité, réseaux)

D’autres études explorent la connectivité entre réseaux cérébraux (au repos ou lors de tâches). Chez des jeunes adultes, un usage problématique a été associé à des différences dans l’organisation de réseaux impliqués dans l’attention et le contrôle exécutif. Là encore : association ≠ causalité.

Ce que ces résultats signifient… et ce qu’ils ne signifient pas

Ils ne disent pas : “le smartphone détruit le cerveau”.
Ils suggèrent plutôt : quand l’usage devient excessif/problématique, on retrouve plus souvent des marqueurs liés à :

  • l’impulsivité,

  • la recherche de récompense immédiate,

  • le contrôle attentionnel,

  • la régulation des émotions,

  • et parfois le sommeil (qui, à lui seul, influence fortement la cognition).


Pourquoi le smartphone “prend” si facilement : une explication psychologique simple

Le smartphone concentre, dans la poche, trois puissants moteurs psychologiques :

  1. La récompense variable
    Notifications, likes, messages, vidéos courtes : l’incertitude (“qu’est-ce que je vais trouver ?”) est un carburant redoutable pour l’attention.

  2. La réduction immédiate de l’inconfort
    Ennui, anxiété, solitude, tension familiale, peur de l’échec : l’écran peut devenir un “anesthésiant” rapide. Efficace à court terme, mais qui empêche d’apprendre à traverser l’inconfort à long terme.

  3. L’illusion de récupération
    On pense se reposer… mais on s’expose à un flux d’informations, de comparaisons sociales et de micro-décisions. Pour certains, ce n’est pas un repos : c’est une surcharge douce, continue.


Enfants et adolescents : une période plus sensible

Sans dramatiser, l’adolescence est un moment où :

  • le cerveau est très réactif aux récompenses, au social et à la nouveauté,

  • les fonctions de contrôle (inhibition, planification, attention soutenue) sont encore en construction,

  • et la pression sociale peut rendre la déconnexion particulièrement difficile.

C’est l’une des raisons pour lesquelles plusieurs analyses trouvent des effets plus nets chez les adolescents que chez les adultes : ce n’est pas “faiblesse”, c’est développement.


Et chez les HPI : pourquoi certains profils “glissent” plus vite vers l’excès ?

Il n’y a pas “un cerveau HPI”. Les profils sont hétérogènes. Mais certains ingrédients reviennent souvent en consultation (enfants et adultes), et peuvent rendre l’écosystème numérique plus risqué :

1) Besoin de sens + intolérance au non-sens

Quand une consigne est vécue comme absurde, quand l’école ou le travail impose de “faire pour faire”, le smartphone peut devenir une sortie : un monde où tout semble plus cohérent, plus rapide, plus maîtrisable.

2) Hypersensibilité et surcharge

Pour certains HPI, la surcharge sensorielle/émotionnelle est intense. L’écran peut jouer le rôle d’un sas : on se coupe du bruit, du conflit, de l’ambiance. Cela ressemble à un apaisement… mais peut aussi renforcer un mécanisme de retrait (“shutdown”) si c’est la seule stratégie disponible.

3) “Ordinateur surpuissant, imprimante lente”

Chez certains enfants ou ados HPI, on observe un décalage entre vitesse de pensée et vitesse d’exécution. Le smartphone peut alors :

  • soulager (dictée vocale, organisation, accès rapide),

  • mais aussi accentuer la tentation d’éviter l’effort d’exécution (copie, écriture, tâches lentes), ce qui nourrit conflit et découragement.

4) Mécanismes de défense “intelligents”

Hyperargumentation, surcontrôle, perfectionnisme, autodérision… Ces stratégies protègent une vulnérabilité. Le numérique peut les amplifier : débats infinis en ligne, recherche de maîtrise via l’info, consommation compulsive “pour comprendre”, etc.


Quand parle-t-on d’usage “problématique” plutôt que d’usage “intense” ?

Un repère pratique : ce n’est pas le nombre d’heures seul, c’est l’impact.

Signaux fréquents d’un usage problématique (chez l’enfant, l’ado ou l’adulte) :

  • perte de contrôle (“je voulais 5 minutes” → 1h),

  • irritabilité marquée quand on coupe,

  • sommeil réduit, fatigue chronique,

  • baisse nette d’attention en dehors de l’écran,

  • désinvestissement d’activités auparavant appréciées,

  • tensions familiales répétées autour du téléphone,

  • usage comme unique stratégie d’apaisement.

Si ces signaux s’installent, l’enjeu n’est pas de culpabiliser : c’est de reconstruire un équilibre, et parfois de se faire aider.


Repères concrets : construire un “chemin acceptable” (sans guerre à la maison)

L’objectif n’est pas de bannir la technologie, mais de reprendre la main.

1) Travailler le cadre avant de parler “volonté”

  • notifications désactivées (ou regroupées),

  • téléphone hors chambre la nuit,

  • zones/temps “sans écran” simples et stables (repas, devoirs, 30–60 min avant sommeil),

  • charger le téléphone hors de la pièce de vie la plus sensible.

2) Co-construire (surtout avec les ados)

Plutôt que “interdire”, viser :

  • une règle claire,

  • une raison compréhensible,

  • et une contrepartie réaliste (autonomie, confiance, activités choisies).

3) Remplacer, pas seulement retirer

Un cerveau ne “lâche” pas une habitude si on ne lui propose rien d’autre.
Idées utiles (à adapter) :

  • activités physiques courtes mais régulières,

  • activités créatives (musique, bricolage, photo),

  • jeux “ouverts” et sociaux (en présentiel),

  • projets à sens (chez beaucoup de HPI, c’est un moteur majeur).

4) Pour les HPI : privilégier la régulation, pas le bras de fer

Quand la crise monte, on vise d’abord :

  • ralentir,

  • nommer l’émotion,

  • clarifier l’intention du cadre,

  • et revenir à la discussion quand le système nerveux est redescendu.

5) Si le smartphone masque une souffrance

Parfois, l’excès est un symptôme : anxiété, harcèlement, isolement, surcharge scolaire, dépression débutante, trouble du sommeil, TDAH (ou autre). Dans ces cas, la priorité est la souffrance, pas l’objet “smartphone”.


À retenir (en 6 idées)

  • Oui, certaines études associent l’usage excessif à des différences en imagerie cérébrale.

  • Non, on ne peut pas conclure : “le smartphone abîme le cerveau” chez tout le monde.

  • L’adolescence est une période plus sensible aux habitudes de récompense et aux comparaisons sociales.

  • Chez certains profils HPI, la surcharge, le besoin de sens et les mécanismes d’évitement peuvent rendre l’écran particulièrement “aspirant”.

  • Le bon levier, c’est un cadre clair + des alternatives + une régulation émotionnelle, responsabiliser.

  • Si l’usage devient une souffrance (sommeil, humeur, isolement, conflits), il est pertinent de consulter un professionnel qualifié.


Conclusion

Parler d’usage excessif du smartphone sur le cerveau n’a de sens que si l’on garde une boussole : nuance, développement, contexte. La recherche alerte sur des associations préoccupantes quand l’usage devient problématique, surtout chez les adolescents. Pour autant, le smartphone n’est pas “le monstre” : c’est un outil conçu pour capter l’attention, et certains profils (dont certains HPI) y sont plus sensibles parce qu’ils vivent plus vite, plus fort, plus intensément.

L’enjeu n’est pas de gagner une guerre contre un objet, mais d’aider l’enfant, l’ado ou l’adulte à retrouver de l’espace mental, du sommeil, du lien, et des stratégies d’apaisement qui ne reposent pas sur le scroll.


Références

  • Science & Vie – s.d. – Plusieurs études montrent que l’usage excessif du smartphone remodèle notre cerveauhttps://www.science-et-vie.com/corps-et-sante/plusieurs-etudes-montrent-que-lusage-excessif-du-smartphone-remodele-notre-cerveau-212029.html Science et vie

  • Lin H-M. et al. – 2022 – Structural and Functional Neural Correlates in Individuals with Excessive Smartphone Use: A Systematic Review and Meta-Analysishttps://www.mdpi.com/1660-4601/19/23/16277 MDPI

  • Montag C., Becker B. – 2023 – Smartphone use disorder and brain imaging: a reviewhttps://academic.oup.com/psyrad/article/doi/10.1093/psyrad/kkad001/7022348 MDPI

  • Liu D. et al. – 2022 – Problematic smartphone use is associated with differences in static and dynamic brain functional connectivity in young adultshttps://www.frontiersin.org/journals/neuroscience/articles/10.3389/fnins.2022.1010488/full Frontiers

  • Horvath J. et al. – 2020 – Structural and functional correlates of smartphone addiction – PubMed – https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32979238/ OUP Academic

  • Chang M.L.Y., Lee I.O. – 2024 – Functional connectivity changes in the brain of adolescents with internet addiction: A systematic literature review of imaging studieshttps://journals.plos.org/mentalhealth/article?id=10.1371/journal.pmen.0000022 PLOS

  • World Health Organization – 2022 – COVID-19 pandemic triggers 25% increase in prevalence of anxiety and depression worldwidehttps://www.who.int/news/item/02-03-2022-covid-19-pandemic-triggers-25-increase-in-prevalence-of-anxiety-and-depression-worldwide World Health Organization

  • Oxford University Press – 2024 – ‘Brain rot’ named Oxford Word of the Year 2024https://corp.oup.com/news/brain-rot-named-oxford-word-of-the-year-2024/ Oxford University Press

  • Muriel Escribe (document interne) – 2025 (date simulée) – L’Usage excessif du smartphone et les mécanismes de défense du cerveau HPI / Génération Écrans

  • Corpus de sources (liste de références) – s.d. – corpus.txt

    Pour aller plus loin, vous pouvez consulter notre article sur les neurosciences dans l’apprentissage.

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